Etymologiquement, le mot poignard trouve ses origines dans le latin populaire  « pugnale » venant de « pugnus » qui signifie « poing ».

Alors que l’on prête à l’épée des qualités symboliques plus nobles (combat loyal, séparation du bien et du mal, glaive de la justice, etc..), le poignard se voit attribué des desseins plus obscurs.

Nous trouvons le poignard dans l’iconographie de certaines civilisations anciennes appelant aux sacrifices humains, comme chez les Aztèques par exemple, pour ne citer qu’eux. De même, qu’il reste, dans notre mémoire collective, associé à l’image d’Abraham brandissant un poignard pour immoler son propre fils à la demande de l’Eternel.

Quant au Moyen-Âge, le poignard, désigné par le terme de «main gauche », était considéré comme compagnon de l’épée, car il servait au Chevalier à parer les coups de l’adversaire de la main gauche, alors qu’il maniait l’épée de la main droite. Tout Chevalier recevait une épée et un poignard lors de son adoubement. Défenseur de la veuve et de l’orphelin, le Chevalier médiéval était le champion des causes justes, engageant sa vie jusqu’au sacrifice, selon la devise de l’Elu «VAINCRE OU MOURIR» brodée sur le cordon des grades de vengeance et dont le poignard est l’emblème. Cette devise signifie notre volonté et notre détermination à vaincre, symboliquement, nos vices et nos passions, et ce jusqu’à la mort de notre EGO.

Bien que ne possédant pas les qualités symboliques de l’épée qui sépare le bien du mal, le poignard est un symbole important d’arme de pénétration. Il pénètre ici l’esprit et le cœur dans les ténèbres et le sommeil. Sa conception bimétallique présume déjà de sa dualité. Sa lame d’argent à double tranchant et son manche d’or figurent les valeurs femelle et mâle, lune et soleil, passif et actif, yin et yang, ici la connaissance indirecte et directe. Le tout en une seule arme de pénétration qualifiée à la fois d’offensive et de défensive, pouvant transpercer le cœur et le centre de l’être. Il est donc clair que la pénétration est à considérer comme fondamentale, voire un acte primordial, à la fois pénétration de la terre mère qu’est la Caverne et la pénétration du poignard dans la tête et le cœur. D’ailleurs le mot Nekah (réponse au mot sacré) signifie « a pénétré », c’est-à-dire : action de l’esprit par laquelle on accède à la compréhension et par laquelle on connaît…

Que le poignard soit utilisé pour un rituel sacrificiel, ou toute autre cause qu’elle soit noble, justifiée, ou non, il n’en reste pas moins vrai qu’il blesse, tue, fait couler le sang. Alors pourquoi un poignard dans le Temple ? N’avions-nous pas obligation pour être reçus en Loge d’être « ni nu, ni vêtu et dépouillé de tous métaux » ? Depuis les temps les plus lointains, le métal était prohibé dans les Temples et bien évidemment, celui de Salomon ne dérogeait pas à cette règle. Que vient donc faire cette arme blanche, utilisée dans le combat au corps à corps avec un adversaire de proximité, dans un lieu aussi sacré que notre Temple qui se veut affranchi de toutes servitudes profanes ? Tout est symbole, nous dit-on !

Néanmoins, le poignard porte en lui un pouvoir, une charge de significations que l’on ne peut nier, faisant de lui un instrument de violence, qu’elle soit légitime ou criminelle.

Est-ce parce que l’espèce humaine est biologiquement déterminée par une part d’agressivité naturelle qui entraîne, ipso facto, un comportement violent qu’il faut éradiquer, que le Rituel au Grade d’Elu a fait du poignard un de ses principaux symboles pour aborder la problématique de la réparation du crime liée aux concepts de vengeance et de justice, sachant que la vengeance se réfère à une appréciation personnelle, donc par définition de nature subjective (incarnée par Johaben) et soumise à la passion ; alors que la justice relève du collectif (incarné par Salomon), en principe de nature objective en s’appuyant sur la loi ?

Si l’on considère que cette forme de violence qui est en nous, matérialisée par le poignard, permet aussi d’acquérir des forces pour vaincre les obstacles, surmonter les épreuves, se parfaire et apprendre à connaître nos limites, après tous, pourquoi pas ? Nous avons bien été confrontés tout au long de notre parcours initiatique à la violence qui menace le parjure : la gorge tranchée au 1er degré, le cœur arraché au 2nd  degré, le corps coupé en deux au 3ème degré ! Pour toutes ces raisons, Le poignard devient l’emblème et l’outil par excellence de la vengeance

Son symbolisme et ses effets sur notre inconscient réveillent, tout en nous appelant à les combattre, les zones obscures, les côtés négatifs ou refoulés du MOI, sur lesquels je reviendrai par la suite.

Le poignard, qui tue et transperce l’obscurité en anéantissant l’adversaire, est pour MOI/JOHABEN un geste libérateur correspondant à la mise à mort définitive du vieil homme enténébré. Ce n’est donc pas sans raison si les centres touchés sont : la tête, siège de l’esprit et le cœur, siège de l’affect. Ainsi, en décapitant ABIBALC avec le poignard, MOI/JOHABEN exprime une forme d’éradication de l’intellect. Nous assistons ici à la naissance de la « voix de la conscience », c’est-à-dire : à la conscience entendue comme « conscience morale », celle qui parle en nous et qui nous permet, en notre for intérieur, de distinguer le bien du mal et de mesurer la valeur de nos actions.

Sur un plan intérieur, le poignard, brandi avec énergie et détermination, matérialise la volonté de VAINCRE ou MOURIR pour extirper ce qui est nuisible en soi, c’est-à-dire contre tous les éléments qui nuisent à l’Unité, à l’Ordre, à l’Harmonie. Toute quête initiatique débute par un travail sur soi afin de prendre conscience que les principaux ennemis à combattre sont en nous-mêmes.

Sur un plan extérieur, Le poignard permet de trancher dans le vif, de réagir contre l’immobilisme contraire à tout progrès de l’humanité. Vivre, c’est lutter contre toutes les forces internes et externes d’oppression, de chaos, de dissolution. Dès lors, le poignard devient l’arme de révolte de l’Elu contre toutes les tyrannies aveugles, tous les systèmes d’asservissement qui privilégient l’avoir et le pouvoir contre l’être. Le geste de l’Elu vengeur correspond à un geste de résistance, à une volonté agissante de justice contre toute forme d’aliénation, que ce soit contre le fanatisme, l’ambition, l’orgueil, l’ignorance.

Pourquoi avoir choisi une Caverne et quelles conséquences pour MOI/JOHABEN ?

En effet, on ne peut plus obscur et si caché ! La Caverne représentant le siège de la conscience humaine, archétype de la matrice universelle, symbole de l’origine, lieu privilégié de mort, de renaissance et d’Initiation. Son symbolisme est double : élévation de l’âme ou descente aux enfers.

Pour ABIBALC ce sera son supplice, sa descente aux enfers. Là, face à sa conscience et pris de remords, il  préférera retourner le poignard contre lui-même, plutôt que d’affronter la justice et son châtiment.

Pour MOI/JOHABEN, la Caverne symbolise mon inconscient et ses profondeurs labyrinthiques. En y entrant MOI/JOHABEN vais à la rencontre de ma propre ignorance, allégoriquement représentée par ABIBALC. Ici l’ignorance ne signifie pas un déficit de savoir, mais correspond à une incapacité à reconnaître que tout homme à la potentialité d’éveiller sa conscience, pour enfin se connaître et connaître.

En cet instant dans la Caverne, meurtrier et justicier ne font plus qu’un, d’où mon interrogation : contre quel ennemi MOI/JOHABEN dois-je véritablement combattre ? Est-ce un combat contre un ennemi mythique, ou contre certains aspects de mon existence ? ABIBALC, symbolisant la part d’ombre qui réside en chacun de nous, n’est autre que le miroir qui me renvoie ma propre image et m’oblige à assumer et à combattre mes pulsions intérieures. Je comprends que le poignard doit être d’abord utilisé retourné contre moi-même pour éliminer les mauvais compagnons qui sommeillent en moi.

En conclusion, je considère que le poignard, brandi au cri de « vengeance » n’est pas l’arme d’un meurtrier puisque l’action menée se situe sur un plan supérieur, d’où mon sentiment que ce qui s’est passé dans la Caverne n’est autre qu’une épreuve (heureuse somme toute puisque que la vengeance s’est accomplie sans que MOI/JOHABEN n’ait eu à salir mes mains de sang), une de plus à subir et à surmonter pour avancer sur la voie que j’ai choisie. Le poignard devant permettre ma conversion et ma régénération intérieure par un travail sans relâche sur mon SOI, noyau irréductible de mon individualité profonde, au sens jungien du terme, et par ce fait, chasser les : MOI égoïstes, encombrants et multiformes qui ne cessent de me tarauder. Tout Initié en quête de Vérité y est soumis. Je ne puis y échapper, c’est pour cela que je suis devenue Maçon, voire un Maître Maçon désireux de poursuivre ma progression.

Enfin, force est de constater que dans cette affaire là, la chose est nouée entre moi et moi-même. Ici, le poignard, de même que les luttes du conscient et de l’inconscient, que la Caverne, que la lampe, que la source d’eau, nous démontre sa saisissante signification de travail intérieur.

C’est en portant attention :

● à mon inconscient (matérialisé par la Caverne),

● aux pulsions qui y résident (matérialisées par le poignard),

● à l’ultime rappel de la conscience qui doit dominer en toutes circonstances (matérialisé par la lampe),

● et à ma part d’ombre (matérialisée par ABIBALC),

que MOI/JOHABEN, adepte inachevé en marche, pourrai comprendre le sens de mon élection.