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Je souhaite partager avec vous ce soir le fruit de mon imagination et de mes réflexions sur un passage du rituel de la réception au grade d’Elu.
Hiram a été abattu. Sa mort et la recherche de la parole perdue caractérisent le rituel d’élévation à la maitrise.
Depuis, les trois compagnons sont en fuite. Où se cacher ? Où se poser loin des regards ? Loin des autres ?
Une caverne.
Comment j’imagine une caverne ?
Est elle froide et sombre, grande à s’y perdre, remplie d’échos, de bruits d’eau ? Ou bien silencieuse, petite, d’un noir enveloppant ?
Abibalc, seul peut me le dire.
« Moi, Abibalc, j’ai tué le Maître, avec la complicité de mes compagnons.
Je suis sûrement suivi et pris en chasse. : je cherche où me cacher »
Au milieu des rochers, dans les entrailles de la montagne,
je pense à la caverne comme ABRI ; aucun homme ne peut voir à l’intérieur . Le protégé est isolé du monde et de son jugement.
A l’instar des hommes préhistoriques, l’homme Abibalc revient à sa mémoire ancestrale et cherche un endroit sec, pour se retirer et s’abriter.
J’ imagine bien des graffiti sur les parois, des scènes de vie ou de magie. Le lieu est chargé de l’énergie de la terre dont étaient proches les peuples du Paléolithique. J’entends de loin la voix cristalline de la source proche.
Abibalc est fatigué et les parois de roche forment un cocon enveloppant qui invite au repos. Il s’allonge en ramenant ses genoux sur la poitrine.
L’homme, en position fœtale, revient à sa mémoire prénatale, la caverne se transforme en UTERUS Le fœtus est au chaud, il est nourrit et sa seule occupation est de se former, de se développer et grandir, avant le choc de la venue au monde.
Selon E.A. Kasper et les philosophes Junguiens, « le retour à la caverne est un événement ancestral », une vraie sécurité. Il représente en termes psychologiques, revenir à l’utérus, nier la naissance, descendre dans l’ombre et dans le monde obscur de l’inconscient. Ce retour signifie renoncer à la vie terrestre pour accéder à la vie supérieure de qui n’est pas né ».
Alors Dante me vient à l’esprit, ainsi que Orphée .
Dans la caverne le temps n’existe pas ; il n’y a pas hier ni demain, ni jour ni nuit. Selon Mircea Eliade cet isolement est semblable à l’état de la larve.
Comme la nature nous l’enseigne, c’est seulement dans un milieu impénétrable et stable que la transformation peut avoir lieu.
L’homme est de retour à la matrice.
Si pour les Chinois les Dieux viennent sur terre en passant par une grotte, selon les Indiens d’Amérique, les hommes naissent embryions « mûris » dans les entrailles de la terre, vue comme la déesse mère. La caverne est-elle un lieu de rencontre entre l’homme et la divinité ?
Je me demande néanmoins si ce milieu clos garde Abibalc prisonnier en attendant de sa part une transformation ?
Je me rappelle le mythe de la caverne selon Platon. Le philosophe imagine les hommes emprisonnés dans une caverne par les Dieux, dès leur enfance.
Les hommes ne peuvent voir que les ombres de la réalité externe projetées sur les parois. Ils n’ont le droit d’accès qu’au monde sensible de l’apparence et leur âme doit s’élever pour contempler le monde des réalités.
J’ai retrouvé ce même principe sur lequel je me suis longtemps interrogée , dans le film Matrix.
« La Matrice est universelle. Elle est omniprésente. Elle est avec nous ici, en ce moment même. Tu la vois chaque fois que tu regardes par la fenêtre, ou lorsque tu allumes la télévision. Tu ressens sa présence, quand tu pars au travail, quand tu vas à l’église, ou quand tu paies tes factures. Elle est le monde, qu’on superpose à ton regard pour t’empêcher de voir la vérité ».
Abibalc, comme le Neo de la saga, est il appelé au réveil ?
Je l’imagine se retourner, sans trouver le sommeil, en proie à la culpabilité et au remords.`
-Ma réalité se transforme. C’est le moment de la réflexion, de la recherche des raisons qui m’ont conduit à l’excès.
La caverne devient le CABINET DE REFLEXION.
Elle est le lieu d’un passage, d’une épreuve, dans le chemin vers la vérité. L’allégorie de la caverne présente alors, de manière imagée l’ascension philosophique vers les Idées et vers l’unité. La philosophie est avant tout une éducation : e-ducere, en latin, c’est « sortir hors de », s’élever hors de la caverne de son ignorance et de sa dépendance. Elle est quête d’autonomie intellectuelle. Elle exige d’apprendre à penser par soi-même, à trouver soi-même les réponses aux questions fondamentales qui se posent à travers son existence.
-Je me prépare donc à l’éveil ou peut être au sommeil éternel ?-
A l’extérieur, les poursuivants des assassins, guidés par l’Inconnu, se dirigent vers l’entrée de la caverne.
On sait qu’il y a une pente de 9 degrés pour y arriver et qu’elle est située dans un lieu appelé « Joppa » ou lieu stérile.
Facile d’imaginer un trou béant au milieu des rochers, vers lequel se dirige le chien de l’inconnu.
Moi, Johaben, le chef des neufs chargés de venger le meurtre, j’ai accepté la mission d’agir contre mes convictions, l’action de vaincre ou mourir. Je me dirige vers l’obscurité de la grotte.-
Mais une lumière éclaire la caverne et cela est nécessaire et indispensable pour qu’une vision ait lieu.
Je vois Johaben et Abibalc croiser leurs regards.
Le moment est suspendu, le temps s’arrête, non, mieux, il fait un retour en arrière pour revenir au moment présent, dans une sorte de spirale temporelle, qui descend aux origines pour remonter vers l’avenir.
Comme dans la saga « Harry Potter », le héros prend conscience de sa capacité d’action, en se retrouvant en face de lui même, après avoir remonté le temps.
La caverne devient pour moi le PORTAIL DU TEMPS.
Johaben est pendant un instant infini, Abibalc.
La rencontre des opposés devient le catalyseur de la transformation, la caverne l’ATHANOR , et la mort ,l’ingrédient ultime pour sublimer l’alchimie.
Abibalc, ou « l’assassin du père » a déjà tué Hiram…
Tuer le Père est une phrase souvent utilisée pour illustrer le passage à l’âge adulte, la rupture avec l’autorité et les interdits représentés par le rôle du père. Comme Luke, dans « Star Wars » doit achever Anakin, son père, pour accéder aux degrés supérieurs de l’art Jedi, Abibalc veut repartir libre de jugement, créer ses valeurs, se construire selon ses propres choix , devenir grand, prendre la place du père .
Johaben doit tuer à son tour et il doit faire face à l’incompréhension rationnelle de ce qu’on lui réclame. Il se questionne sur la nécessité de justice et la gravité de l’impunité. Il découvre que, seule une conscience légitime peut le libérer de lui-même.
Dans la caverne un bras armé tue le tueur.
Moi/Abibalc/Johaben sommes passés à l’action et le voile des apparences se dissipe.
La conscience de l’acte et sa nécessité portent à l’accomplissement de la transformation. Le traître est devenu, à travers la mort, vengeur, sauveur, juste. Johaben prend conscience de sa bipolarité, de l’unité des contraires.
JE suis la caverne.